LCDLA - PRÉSENTATION - La réalité des villes néerlandaises


'Making cities', la 5e édition de la Biennale internationale d'architecture de Rotterdam © Ossip van Duivenbode

A Rotterdam, en prise avec la réalité des villes néerlandaises
Henk Ovink est haut fonctionnaire depuis 2007. Il était l’an passé le commissaire de la 5e Biennale d’architecture de Rotterdam. Il était auparavant mathématicien et artiste. Dans un article du quotidien néerlandais De Volkskrant, daté du 13 avril 2012, Bob Witman relate sa rencontre avec le commissaire et décrit les enjeux de cette Biennale intitulée 'Making cities'.

COMMENT FAIT-ON UNE VILLE ?

Bob Witman | De Volkskrant | Pays-Bas
13-04-2012
Adapté par: Michael Koller


ROTTERDAM - Pour la 5e édition de la Biennale internationale d'architecture à Rotterdam, l'accent est mis sur le futur de la ville*. Le commissaire (et également haut fonctionnaire) Henk Ovink s'explique.

Le succès international des architectes et des concepteurs néerlandais, jusqu'alors présupposé, est maintenant prouvé. Les Pays-Bas possèdent de très bons concepteurs. D'ailleurs, le pays lui-même apparaît comme très bien conçu. Ce sont les conclusions d'une recherche comparée engagée par l'université d'Amsterdam. Henk Ovink, en tant que directeur de l'aménagement du territoire au ministère de l'Infrastructure et de l'Environnement, cite ce rapport avec beaucoup de fierté.


IABR Test Site Rotterdam, Rotterdam Central District © Ossip van Duivenbode

Selon lui, «le métier de concepteur est crucial et très spécifique. Le concepteur doit être doté de qualités qui se conjuguent entre elles». Ce dernier analyse la question posée, la met en perspective et la replace dans un contexte qui englobe le passé, l'état actuel et le futur. A cette question, répond la forme concrète qui en est conçue. «Un concepteur doit être capable à la fois de travailler sur différentes échelles qui vont du millimètre au kilomètre. Il fait la liaison entre une conception abstraite et la réalisation concrète. Toutes ces qualités rendent le métier de concepteur spécial», soutient Henk Ovink.

«Aux Pays-Bas, il y a un grand nombre de personnes qui excellent dans cette discipline», assure Henk Ovink. «Si on prend l'exemple de l'autoroute A2, sa conception et son positionnement dans le paysage ne doivent rien au hasard. Le talus est légèrement surélevé et la glissière de sécurité est enfoncée de manière à donner l'impression de circuler directement dans le paysage. Le concept a été imaginé conjointement par des paysagistes et des ingénieurs. On a même l'impression que l'on peut toucher le paysage et la nature tout autour. Un bon concept peut donner ce résultat», raconte-t-il.

L'étude sur les qualités de conception des Néerlandais a été publiée l'été dernier, conjointement avec le nouveau rapport d'architecture pour la période 2012-2015. Dans le bureau de Henk Ovink, 44 ans, ce rapport guide la réflexion sur comment les Pays-Bas doivent gérer l'espace, le développement et l'environnement dans les quatre prochaines années.

Un fonctionnaire avec une pensée artistique

Henk Ovink a un CV atypique dans le monde des hauts fonctionnaires. Il a démarré comme mathématicien et artiste. Sur le campus universitaire de Groningen, on peut trouver son oeuvre intitulée 'Brachistochroon', comprenant d'élégantes boucles en métal. «Cela représente un problème mathématique dans lequel le toboggan le plus rapide relie deux points qui ne sont pas positionnés à la même hauteur», dit-il.


IABR Test Site Rotterdam, DakAkker © Ossip van Duivenbode

Henk Ovink travaille depuis presque cinq ans pour l'Etat sur le développement d'un plan d'occupation des sols pour les Pays-Bas, lequel doit surtout faire la liaison entre les ambitions économiques, sociales et écologiques du pays. Il est inhabituel qu'un fonctionnaire soit également le commissaire de la Biennale internationale d'architecture de Rotterdam, dont le thème est 'Making cities'.

«Ce n'est pas habituel mais pas non plus illogique», estime Henk Ovink. «La Biennale n'est pas une exposition mais un processus. Dans ce dernier, nous avons cherché une réponse à la question de comment fait-on une ville ? Or, la Biennale présente des projets et des problématiques sur plusieurs années». L'accent est mis sur la ville car c'est le lieu dans les années à venir où toutes les questions complexes vont être posées.

«Un fonctionnaire doit rester en relation avec la réalité», se justifie Henk Ovink, d'où sa fonction en tant que commissaire. La biennale poursuit à travers ses différentes éditions une recherche internationale dans des villes clés telles que Rotterdam, Istanbul et São Paolo. «La Biennale se veut aussi orientée par la pratique ; la réalité vous rattrape automatiquement quand on veut simplifier les choses».


La densification de la ville - construire la ville sur la ville © Bouwjong

'Making cities' est la 5e édition de la Biennale internationale d'architecture de Rotterdam à s’intéresser à la ville. Tous les développements démographiques indiquent que la pression sur la ville va se poursuivre. Dans peu de temps, environ 80% de la population mondiale va vivre dans des villes et cela signifie que 90% des transactions financières vont être réalisées sur 4% de la surface du globe.

La crise a arrêté et changé les prévisions de la croissance des villes. «Une sorte de pause a été activée sur le marché d'une croissance ininterrompue», explique Henk Ovink. «Nous savons également que ce bouton 'pause' indique un changement et le début d'une autre ère. Rien ne va rester comme cela est actuellement. Cela n'est pas forcément négatif mais cela produit une dynamique énorme».

Ce dynamisme doit être visible sur un certain nombre de 'lieux tests'. Ces sites sont des sous-programmes de la Biennale ; ils ne consistent pas en des expositions théoriques mais sont des projets de construction. Un de ces projets est le Schieblock, bâtiment de bureaux de Rotterdam datant de 1959 et situé près de la place Hofplein. Il fait partie du quartier de la gare, un quartier qui aurait dû être démoli avant la crise.

Le bureau d'architecture ZUS (Zones Urbaines Sensibles) a développé pour ce bâtiment une fonction temporaire. C'est une sorte de ville-laboratoire avec des petits locataires et des entrepreneurs. Le prix du loyer est relativement bas. Le bâtiment regroupe des entreprises très actives quant au développement et au plan pour la ville.


Luchtsingel © ZUS (Zones Urbaines Sensibles)

Intervenir sur le règlement
Le plan de ZUS n'aurait pas pu réussir si tout le monde avait suivi les règles initiales. «Nous constatons que des règles qui, au départ sont mis en place de manière positive, par la suite se bloquent entre elles. Les règles ont toujours une raison d'être mais leur superposition crée parfois des blocages absurdes. Dans ce cas-là, le pouvoir public doit intervenir et cela est notre rôle. Nous avons travaillé avec des lois environnementales et la loi 'crise et rénovation', de nouveaux instruments pour lesquels les décisions prises par les pouvoirs publics prévalent sur le règlement existant». Le Schieblock est devenu entre-temps un projet populaire pour les habitants de Rotterdam.

Pour Henk Ovink, le Schieblock est un exemple pour que les pouvoirs publics s'engagent activement auprès de l'architecture et des espaces publics. «Mais des acteurs différents doivent soutenir ce type de projet. Dans le cas du Schieblock, c'était le bureau de ZUS, la mairie et les investisseurs qui ont réalisé ce projet. Ce n'étaient pas les pouvoirs publics», dit-il.

Laisser faire et avoir davantage confiance dans les entrepreneurs néerlandais et les pouvoirs locaux sont les nouvelles directions données par le nouveau rapport de l'architecture. Cette manière de travailler demande une adaptation car les Pays-Bas ont une longue tradition de planification centralisée. Cela date des années 1920 et 1930, durant lesquelles le gouvernement central a géré tout ce qui était construit. «En Belgique, l’adage dit qu'on naît avec une brique dans le ventre. Il est certain que chacun là-bas va construire une maison dans sa vie», relève Henk Ovink.

Or, aux Pays-Bas, la plupart des bâtiments d'habitation sont toujours construits par des coopérations et orientés plus par l'offre que par la demande. C’est ainsi que le pays compte le plus grand pourcentage de logements sociaux en Europe. «Le nombre de maîtres d'ouvrage doit grandir et cela est un des buts décrit par le nouveau rapport d'architecture. Si on le comprend et on le compare avec le proverbe belge», approuve le commissaire.


Amsterdam Zuidas © D.R.

Pour la Biennale, il a sélectionné un certain nombre des concepts nationaux qui ont été présentés dans la partie 'Atelier Making Projects'. «Les questions posées sont de vraies questions de conception, pas des exercices théoriques», dit-il. Comment, par exemple, fait-on de Zuidas à Amsterdam une vraie ville ? Comment peut-on éviter que le Drechsteden ne soit inondé par la montée de la mer ? Que signifie la différence de température entre le centre de Rotterdam et ses alentours qui monte parfois jusqu'à 9 degrés ?

Dans l'édition précédente, on avait critiqué la Biennale d'architecture comme beaucoup trop concentrée sur elle-même et trop conçue pour les architectes. La dernière édition est beaucoup plus orientée sur des questions et des réflexions au sujet de comment les gouvernements peuvent travailler avec les concepteurs et les particuliers.
La Biennale d'Architecture est-elle un instrument pertinent pour répondre à ces questions ? Henk Ovink répond : «oui».

* La 5e édition de la Biennale internationale d'architecture de Rotterdam, dont le thème était 'Making cities', s’est tenue du 20 avril au 12 août 2012. Cet article étant daté du 13 avril, voilà pourquoi l’auteur utilise le présent, ndt.


5e Biennale internationale d'architecture de Rotterdam
Hoe maak je een stad?
A Rotterdam, en prise avec la réalité des villes néerlandaises

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